Touché, coulé

Il faut vraiment que j'arrête les Historiques-Fantasy-Chinois.... Je crois que pour moi, c'est l'équivalent d'une griotte fourrée à l'arsenic : trop attirants, trop dangereux...

Résultat: une fin qui me retourne l'estomac façons essorage en fin de cycle, gorge mode nœud coulant (et envie d'aller vraiment acheter une corde) surconsommation de mouchoirs et pourtant, en même temps, le sentiment bizarre d'être contente pour le héros qui vient de passer de vie à trépas sans aucun, aucun, aucun, espoir de retour.

On se retrouve à penser des trucs étranges comme "Il ne souffre plus" , 'Il peut enfin se reposer " , "ouf, un peu de tranquillité"...

Bon... C'est vrai que les contes chinois, à la base, ce n'est pas joyeux, joyeux... Il n'y a qu'à voir la tisserande et son bouvier amoureux qui ont quand même réussi à se parquer chacun d'un côté de la voie lactée afin de pouvoir se regarder pour l'éternité sans pouvoir s'approcher...Plus poissards que ça, tu meurs... Et comme ils sont tous les deux immortels, ils n'ont même pas cette chance...

Les chinois adorent laisser des demoiselles assises sur des rochers face à des étendues vides et déprimantes afin qu'elles puissent consacrer ce qui leur reste de vie à ressasser en boucle les brefs moments de bonheurs qu'elles ont vécus avec le héros qu'elles ne reverront jamais car ils ont fini poétiquement en confettis aux quatre coins de l'univers pour combattre le mal...

Sérieusement, c'est possible de casser les pieds à une personne à ce point en 40 épisodes? Il n y a pas un personnage, un antagoniste, un phénomène climatique, politique, policier, animalier qui ne leur tombe dessus toutes les deux minutes...

Pratiques pour s'y retrouver , d'ailleurs...

"Où en étais-je?

-Ah oui... Entre la tempête et l'invasion de zombie... Donc je dirais... A l'incendie..."

Personnellement, j'ai bien une hypothèse : un bon défouloir et une revanche personnelle pour le scénariste...

Démonstration:

- Ju Ching rend visite sur un tournage à son ami , le scénariste, Li Fun: Il a l'air sympa, ton nouveau drama... Ça parle de quoi?

-D'un héros, Ju Ku Jin dans un monde fantastique qui vit des amours contrariés avec une princesse du ciel...

-C'est marrant... Le nom de ton héros me rappelle vachement celui de ce mec au lycée... Gu Ku Jin... ... Il était balèze, dans mes souvenirs... Premier partout... D'ailleurs, Meilin en était folle... Elle est sortie avec lui bien six mois, non? T'en étais pas amoureux?

-Me rappelle pas...

-De Meilin? Mais oui! Tu m'as bassiné avec elle pendant des mois mais elle préférait ce type... En même temps, il avait des supers notes... Toutes les filles en étaient folles... Les profs aussi... Tu te souviens de lui?

-pas du tout...

-Tu dois t'en rappeler... Il était toujours premier en course à pied et tu étais toujours deuxième...

-Me souviens pas...

-Et il t'avait soufflé la place de délégué de classe malgré tes six mois de préparation de campagne... En même temps, t'avais aucune chance... Il était super brillant, ce mec... beau... courageux... Le jour où il a sauté du haut du phare pour sauver ce gamin... Toutes les filles du bahut étaient folles après ça...Il faut bien reconnaitre que nous, on n'avait pas bronché... tu te souviens vraiment pas?

-Non...

-Assistant arrive essoufflé (au scénariste) : Monsieur... le metteur en scène relaie une question de l'acteur: est-ce que la nage de dix minutes dans une eau à -2° est très utile ?

-Primordial...

-C'est que pour l'acteur...

-Nécessaire à l'intrigue.

-Okay (repart en courant)

-Ju Ching: Dans l'eau glacée ? Ben, mon cochon... C'est nécessaire ?

-Oui... pour apaiser la douleur...

-La douleur ?

-Le héros a été maudit par sa mère et souffre en permanence mille morts afin de pouvoir utiliser ses pouvoirs...

-Et il arrive à jouer la souffrance sur d'aussi longs moments, l'acteur?

-On lui a glissé des allumettes sous les ongles, ça aide...

-Mais pourquoi sa mère l'a maudit?

-Pour que son père ne puisse pas l'utiliser comme une arme pour conquérir le monde... Alors il se cache pour que son père, le Dieu des nuages ne le trouve pas...

-Euh... Ça doit pas être top pratique de se cacher des nuages...

-Il se ballade avec une grosse capuche même en intérieur...

-Je viens de traverser le plateau... C'est normal, cette chaleur?

-Les projecteurs...

-Oui, mais avec une grosse capuche...

-On est acteur ou on l'est pas.

-Okay.... Et sinon, l'histoire, c'est quoi, à part un type qui se planque des nuages en souffrant le martyre...?

-Il est pris dans une guerre car il est l'élu et doit mener une armée au combat mais en face, c'est un démon avec des pouvoirs monstrueux qu'il doit souvent combattre seul avec une énorme épée...

-En latex?

-en acier trempé... On ne veut pas que ça fasse toc...

-Et le méchant? Il a une épée en latex...

-Bien sûr que non!

-L'acteur est épéiste?

-Pas du tout.

-Et il n'y a pas d'accident...?

-presque pas... Quelques points de suture, tout au plus... Les risques du métier...

-Et les autres persos?

-Il y a une fille insupportable qui parle sans arrêt...

-mais adorable dans la vie...

-Non, insupportable aussi... D'ailleurs, l'acteur principal et elle ne se supportent pas... Une héroïne boulet qu'il faut sauver et porter à bout de bras sans arrêt...

-C'est pas douloureux pour l'acteur, ça?

-penses-tu... Un peu de pommade et ça fait des séances de muscu gratuites... Un copain qui prend le héros pour son psy jour et nuit...

-Heureusement que là...

-On a cherché le réalisme... C'est un copain de l'acteur et il se fait vraiment psychanalyser jour et nuit... En dehors de ça, le héros se bat sans arrêt...Il a été aussi traumatisé par une attaque de zombie après que sa mère l'ait abandonné dans un village où tout le monde était mort... et il s'est cassé une jambe en tombant d'un toit d'où une claudication...

-L'acteur claudique bien?

-Super bien depuis qu'il est tombé du toit...

-Quoi? Il est vraiment tombé du toit?

-Le réalisme...

-Ah ouais, j'oubliais...

-Sinon, le héros doit aussi faire face à des attaques de brigands, de bêtes sauvages...

-Comme quoi?

-Sangliers et loup...

-Euh... réalistes?

-Très... Mais ne t'en fais pas pour l'acteur, il court super vite... Tiens, il arrive...

-acteur Go Chang (arrive en claudiquant en se frictionnant la tête avec une serviette) : Monsieur le scénariste... Pardon de vous déranger mais ça fait dix fois que je plonge dans ce lac d'eau glacée et je n'arrive pas à saisir l'émotion que je dois rendre...

-De l'audace, de la vivacité, un peu d'adrénaline...

-(ennuyé) : Je vois... C'est la vitesse qui pêche... Le froid a tendance à ralentir mes mouvements... le bon côté, c'est que ça endort la douleur de ma jambe droite... Vous êtes prévoyant...

-En effet... D'autres questions?

-Ju Ching : Mais... Ca par exemple! Gu Ku Jin!

-?

-Ju Ching! Lycée Ming! 1984!

-Mais oui! Ça alors! Qu'est-ce que tu deviens?

-Pompier... et toi, acteur! Si je m'attendais...Justement, je parlais de toi! (se tourne vers Li Fun) : et donc tu te souviens de ... Aïe! Pourquoi tu me files des coups de pieds?

-Li Fun (innocent) : Je me décontracte la cheville... Je me la suis tordue la semaine dernière.

Gu Kun Jin (apitoyé): Quoi? Il faut soigner ça! Les entorses non soignées, je connais, c'est une horreur... Tenez... C'est ma carte fidélité à la clinique privée du Gingko... Elle fait aussi coupe-file...

-Ju Ching: Tu as tes entrées dans une clinique?

-Une chambre privée... Très pratique ... Comme j'y suis un jour sur deux... Je connais toutes les infirmières... et c'est le prix à payer pour un rôle sympa...(tourne la tête car on l'appelle) J'y retourne... Content de t'avoir revu!

Fonce sur la plateau aussi vite que le lui permet sa jambe blessée...

-C'est marrant le hasard, quand même... et que tu ne l'aies pas reconnu... Tu devrais lui dire que c'est toi...

-Ce qui brouillerait nos rapports professionnels et me ferait perdre ma liberté de création...

-Pas faux...Toujours aussi classe et sympa en tous cas...(se penche) C'est quoi la scène qu'il tourne maintenant?

-Sa copine amnésique lui tire à bout portant avec des flèches empoisonnées...

-Cool...