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L'amour du risque

L'amour du risque

Lorsque j'étais enfant (au jurassique supérieur), il n'y avait qu'une télévision dans le salon. Mon père était le gardien incontesté de cette boîte mystérieuse qui pouvait imploser au moindre choc (c'est ce qu'on me disait, du moins , pour que j'évite de jeter des objets lourds dessus).

Bien sûr, je n'avais pas le droit de changer la chaîne et ce qui passait à l'écran m’intéressait peu, à part Disney Channel et les Tex Avery entre deux films de la dernière séance pour lesquels je devais trouver de nouvelles idées d'intrusion à chaque fois puisque j'étais censée être couchée (le verre d'eau et le passage aux toilettes marchaient pas mal, le coup du cauchemar s’essoufflait au bout de deux fois...).

Mais lorsqu'on regardait un film, le lendemain, les commentaires allaient bon train:

"Tu l'as vu? Qu'est-ce que tu en as pensé? Oh zut! Je l'ai raté!"

Lorsqu'on l'avait vu, on parlait de ce qu'on avait vu avec ceux qui en avaient fait autant. Si on ne l'avait pas vu... Tant pis...

Mais un jour, une grande révolution est entré dans ma vie et celles de millions de personnes.

J'étais assise à l'arrière de la voiture avec mon chien et ma mère m'a dit de me pousser afin de laisser la place à un énorme carton.

Quand je lui ai demandé ce que c'était, elle ne m'a pas expliqué.

C'était tellement nouveau comme concept, que je n'aurais peut-être pas compris.

Arrivée à la maison, j'ai vu un appareil massif, moche apparaître.

Mes parents ont introduit un parallélépipède plastique par la fente et j' ai vu un dessin animé. Un dessein animé qui ne passait pas à la télé! qui ne passerait jamais à la télé! Un truc que mes copines ne connaitraient peut-être même pas! Un film que je pouvais regarder comme je voulais et autant de fois que je le voulais!

Le lendemain, à l'école, le discours a commencé à changer:

"Tu as vu "les aventures de Maria?

-Non. C'est passé quand?

-C'est pas passé... C'est ma mère qui a acheté un magnétoscope...

-Un quoi?

-Un magnétoscope.

-Ah ouais... On en a un nous aussi... Il est bien? "

La question était lâchée. Pour la première fois, on pouvait demander ce que valait un programme AVANT de l'avoir vu.

Mais il y avait quand même des moments de risque passionnants... Quand on allait au vidéo-club, j'adorais me mettre à plat ventre pour aller chercher la K7 oubliée, rangée là car ce n'était pas à la mode... et je revenais avec ma pépite que j'étais probablement la seule à avoir vu depuis longtemps...

Et un jour, les vidéos club on décidé d'acheter 20 fois la dernière nouveauté pour en remplir leurs rayons... Exit les vieux trucs originaux... tout le monde louait la même chose... et cela a été la mort des vidéos clubs.

Internet a offert bien plus de choix avec aucun problème de stockage. Mais on se trouve face à un autre problème:

Un choix illimité et un temps qui ne l'est pas.

Alors, on fait ce que je fais et on demande si quelque chose est bien ou pas... Ce que j'ai encore fait hier soir ... et on tombe sur une personne adorable qui va vous renseigner.

Mais on reste un peu frustrée par tout ce qu'on va rater à côté...

"Je choisis celui-ci mais je rate celui-là... Mais il parait que celui-là est nul...mais et s'il ne l'était pas? Et s'il m'avait plu?"

Et on se rend compte que quand on dit : "Il est bon? "

C'est comme être à la plage et demander à la personne :

"Elle est bonne?"

Sans réaliser que peut-être que la personne qui va vous répondre par l'affirmative habite au cercle polaire et vous au sud de Dakar... ou que peut-être qu'elle est frileuse et que du coup, vous n'allez pas oser une baignade qui aurait pu être géniale pour vous.

Le King a été un flop en Corée. Pendant un mois, je n'ai cessé de lire sur Facebook: "Il est nul? Je te fais confiance, je ne le regarderais pas..." mais j'ai lu aussi : "Moi, je l'ai trouvé chouette, mais je ne pensais pas que j'aimerais".

C'est le mal d'internet et de la VOD: essayer de se renseigner à fond pour ne pas prendre le risque de perdre un temps précieux. Mais du coup, pour trouver son public, un drama doit être apprécié par ses premiers spectateurs et bénéficier d'énormément de publicité.

Cela laisse peu de chances à certaines fictions peu populaires alors je crois que je vais essayer de retrouver le goût du risque de l'époque où je m'allongeais sur le sol du vidéo-club.

Je vais regarder deux dramas par semaines: celui que l'on m'a conseillé (et c'est vrai que tout ce qu'on m'a conseillé jusqu'ici était super (merci pour Moonlover, Iljimae, Full house, Tale of nine tailed) et un que je ne connaitrais pas ou qui sera réputé pour être nul...

De l'audace, du courage et le retour de l'amour du risque...

On renoue avec ses jeunes années comme on peut...

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