Dog Alarm

Le matin, un miracle est arrivé .

Mon compagnon se lève et me dit :

« C'est bon, ce matin, je gère, je m'occupe d'Arthur. »

Je calcule rapidement : douche et shampooinage hier soir, cartable okay, cahier de liaison signé, vêtements prêts... Super nouvelle ! J'ai 45 minutes pour faire ce que je veux (on va quand même garder vingt minutes de marge, la part du destin).

Bon, que faire de ces 45 minutes ?

Se préparer en prenant mon temps (quel délice!)... Il reste 15 minutes...Que faire de ce précieux moment ?

Pourquoi ne pas en profiter pour dresser un plan de vol irréprochable avec toutou ?

Opération Dog Alarm enclenché.

Il faut savoir que mon bébé géant est le roi des casse-pieds, des enquiquineurs, des pénibles... et où qu'il passe, on trouvera un synonyme dans n'importe quelle langue... y compris la canine...

Chaque fois que nous passons devant un portail réduisant les degrés de liberté d'un congénère, il se plante devant et il arrive à être si clair que même moi, je peux comprendre le dialogue...

« Oooohhh... Tu es coincé et moi pas... C'est ballot.... Donc tu ne peux rien faire si je fais mon petit pipi dans le caniveau devant chez toi marquant ainsi mon territoire... Voilà ! Maintenant, chez toi, c'est chez moi ! Bonne journée ! »

Bizarrement, les toutous du village ne l'apprécient pas beaucoup et le lui font entendre... ainsi qu'à tout le village ce qui fait que lorsque nous sortons, nous sommes escortés d'un concert d'aboiement.

Alors, j'ai un plan du village et je réfléchis afin de ne pas déranger toujours les mêmes chiens (et les mêmes maîtres par la même occasion).

Stephen Hawking, le grand astrophysicien, racontait que lorsqu'il était petit, ses parents leur demandaient, à sa sœur et à lui-même de ne pas entrer dans la maison si ce n'était d'une manière toujours différente et originale (fenêtre/arbre/gouttière, fenêtre, arbre/fen^tre ; échelle/fenêtre...) .

Mon défi de chaque jour est de trouver un itinéraire différent qui fera aboyer le moins de chiens possible...

« La rue des oies...Non... Sissi le York a une voix stridente et sa maîtresse dort à cette heure-ci... A ennuyer en fin d'après-midi, à l'heure du thé... La rue de Galice... Rambo doit dormir à cette heure-ci : il a aboyé toute la nuit sur la martre dans la grange... Okay... On déboule sur la place de la liberté... Si on court, c'est jouable : Anastasie la bouledogue est vieille : le temps qu'elle percute, on sera loin... Eviter absolument la rue des ciseaux : les jumelles staffs sont à demeure et elles aboient pendant des heures... Raser les murs et tourner vite à la rue Fol avant que Gilda le berger allemand ne nous voit... Elle a une voix qui porte et ça dure des plombes... On pique un sprint dans la rue parallèle à la rue Gué pour que Lulu le Saint-Bernard ne nous voit pas passer à l'intersection et c'est gagné ! »

Toute contente, je prends mon papier et je descends au salon. Il reste les 20 minutes du destin pour aller à l'école qui se trouve à trois minutes... Nickel...

Je croise mon copain dans l'escalier qui me donne un baiser rapide :

-Je fonce, je suis en retard... Je lui ai fait des tartines et un bon petit dej !

Super !!!

J'arrive au level 0.

-Bon... Arthur, tu es prêt ? J'attrape le chien et on y va...

-Maman... On peut pas y aller comme ça...

-Pourquoi ? »

Je cesse de voir mon fils et pense à le regarder : une coiffure entre le petit prince et Spirou au saut du lit et pyjama... Une pub pour un rayon de literie pas pour un magasin de fournitures scolaires...

Je prends très élégamment la chose...

-AAAArrrggghhhh !!!!! Arthur ! Tu n'es pas habillé ?

Bon, j'admets que je suis partagé entre la panique et la satisfaction que mon fils si distrait ait trouvé bizarre d'aller à l'école en pyjama...

-Ben, non...

-Où sont les affaires que je t'ai données... ?

-Chais pas...

Retour à la normale...

Je retrouve les affaires... 4 minutes grignotées sur la marge du destin... Coup de peigne...

-Tu t'es brossé les dents ?

-Ben Non...

Encore 5 minutes... Plus que 11 minutes de marges..

-Passage aux toilettes ?

-Ben n...

Okay, on a compris... Plus que 8 minutes...

-Maman ! Il n'y a plus de papier !

Réapprovisionnement en double couche molletonnée... Plus que 5...

-Tu as bu avant de partir... ?

-Ben...

Plus que 2...

Le temps d'attraper Toutou...

-Regarde maman ! Bibouchou veut jouer !

Il ne se laisse pas attraper et joue avec sa laisse... Je tente un :

« Lâche ça » ! d'une voix forte et autoritaire qui lui fait autant d'effet que le bruissement du ruisseau au fond du jardin.

Je finis par l'attraper, extirpe de sa gueule sa sélection de la minute ...une chaussette...pas n'importe laquelle... Une des chaussettes que j'avais préparées …

Prise d'un doute affreux, je baisse les yeux :

-Arthur ! Où sont tes chaussettes ?

-Il fallait les mettre ?

-Pourquoi elles étaient avec le reste, à ton avis ? !!!

-Au cas où le temps serait frais mais il fait peut-être chaud auquel cas il faut mettre les sandales ?

-Aujourd'hui, il fait froid !

-Okay.

Enfile les chaussettes, débarbouillage à la hâte... attrape le chien et le cartable... Fiston trottine à notre suite...A son rythme...

-Accélère ! Il reste 3 minutes !

Exit l'opération Dog Alarm ! Le chemin le plus court est la ligne droite.... Qui a comme intéressante particularité mathématiques de passer devant TOUS les chiens du quartier...

Nous arrivons à l'école de manière triomphale salués par un philharmonique d'aboiements...

Repensant à mon fils qui ne voulait pas partir à l'école en pyjama, je tente une dernière expérience...

« Au revoir chéri, à midi !

-Au revoir maman...

Je le rappelle...

-Arthur... Tu n'as rien oublié ?

-Non.. J'ai mes cartes... Mon sweat... (son regard tombe sur mon épaule et s'éclaire) : Mon cartable... ! »

Bon... Fais-toi à cette idée Jessica : Ton fils est comme toi, toujours dans la Lune...

Le chemin est long jusqu'à la matinée parfaite...

Ajouter un commentaire