Chapitre 4: la vie de Rancher
Vérifiez toujours avant de partir que vos rênes sont bien ajustées et que vos jambes sont au contact en arrière de la sangle.
Maddie écoutait la voix morne et soporifique de Jack qui mettait autant de passion dans son discours qu'un chef de gare annonçant les prochaines stations.
– Pour ralentir, redressez-vous et exercez une pression sur les rênes...
Maddie poussa un soupir d'exaspération. Le soleil se couchait sur les montagnes, teintant le paysage d'une magnifique lueur écarlate. En temps normal, elle aurait été émerveillée. A l'heure actuelle, la torpeur l'envahissait à tel point qu'elle se demandait si elle n'allait pas glisser à terre.
– Bon sang... ! On dirait un prêtre tibétain en train de psalmodier dans son coin !
Jack ne releva pas.
– Pourriez-vous avoir une réaction ?
– Comme quoi ?
– Je ne sais pas : une réaction !
– Je devrais être vexé d'être comparé à un moine timétin ?
Maddie sursauta :
– Vous ne savez pas ce qu'est un moine tibétain ?
– Je connais des moines mexicains, américains ... Mais pas ce que vous dites.
– Vous avez quand même entendu parler du Tibet !
– Non, répondit Jack, parfaitement indifférent.
– C'est à côté de la Chine !
Un manque total de réaction face à cette information la consterna :
– La Chine ! En Asie ! Ne me dites pas que vous ne connaissez pas !
– Je n'y suis jamais allé. Donc, ça ne m’intéresse pas.
– Comment peut-on se complaire dans une ignorance pareille ? s'irrita Maddie. Tommy pourrait vous en parler pendant...
– Des heures. Je sais. Comment s'appelait votre grand-père maternel ? demanda Jack à brûle-pourpoint.
–William Cédric Henry Blackstorn, répondit machinalement Maddie.
–Où vivait-il ?
– A New-York.
–Comment s'appelait son père ?
– Edouard Maxence... mais…
– D'où venait-il ?
– D'Angleterre. Mais qu'est-ce...
–Et il a décidé de traverser l'océan pour quelle raison ?
– Pour s'enrichir, je suppose...
– Vous supposez ou vous êtes sûre ?
– Je pense. Mais où voulez-vous en venir ?
– Il était amoureux ?
– Pardon ?
– Il a laissé une petite amie en Angleterre ?
– Je n'en sais rien ! A quoi vous avancent toutes ces questions ?
– Vous savez où se trouve un pays dans lequel vous ne mettrez sans doute jamais les pieds mais vous ne connaissez même pas l'histoire de votre propre famille. A quoi cela vous sert-il ? Quand je dois me documenter pour un rôle, j'attrape un dictionnaire ! En dehors de ça, je ne gaspille pas mon temps à mémoriser des détails sans importance ! Alors achevons cette conversation : je suis un âne ignorant et vous, une chipie désagréable. Et l'âne ignorant va achever sa leçon afin que la chipie arrogante ne rentre pas à l'écurie traînée sur le sol par un cheval excédé qui aura toutes les raisons de l'être !
***
– Pathoum, c'est quoi un fils du tonnerre ?
Le jeune indien se tourna vers son petit frère, l'air ennuyé :
– Une vieille histoire que racontait maman quand tu étais petit... On raconte qu'il y a longtemps, le dieu du Tonnerre apparut à une femme dont il était amoureux.
–C'était une L’Ne ?
–Une Cheyenne, je crois. Elle a accepté de le suivre au ciel. Ils étaient très amoureux. Ils ont eu un enfant. La jeune fille a été obligée de rentrer avec son enfant dans sa tribu. La mère du Tonnerre lui a dit qu'elle pourrait garder son fils tant que personne ne le toucherait. Mais la mère de la fille l'a battu. Il a disparu et on ne l'a jamais revu. Mais, depuis, on raconte que d’autres femmes, d’autres tribus, ont eu des enfants avec le dieu du Tonnerre.
– Et pourquoi moi, on m'appelle le fils du Tonnerre ?
– On raconte que le dieu du Tonnerre habitait le corps de père quand tu as été créé.
Karshak secoua la tête :
– Comment on le sait ?
– Un fils du Tonnerre, ça se reconnaît entre mille… Crois-moi, tu en es un...
***
– Papa, qu'est-ce qu'il se passe ?
Lily était assise dans le bureau de son père, bien décidé à savoir ce qui préoccupait ce dernier : cela faisait deux jours qu'il n'osait pas la regarder dans les yeux.
– Les Bringers... On en a retrouvé deux... La mort remonte à trois semaines. Entre le 12 et le 14 janvier. Ils ont été retrouvés à moins d'une heure d'Hollywood... Le bureau d'investigation de Californie est chargé de l'enquête et me demande de coopérer. Et qui est le principal suspect, à ton avis ?
– Les Bringers ont beaucoup d'ennemis...
– Un seul homme les a autant menacés... Je crois que ton oncle Jack va avoir de sérieux soucis.
– Pas si on arrive à prouver son innocence.
– Facile à dire... Comment je vais faire ça ?
– Tu es shérif, oui ou non ?
– Chez les Felton, le job est héréditaire. Tu le sais, non ? Et encore... le premier de la lignée était braqueur de banques… et il m'arrive de me dire que je serais plus doué dans cet emploi-là ! Séparer des poivrots qui se battent, je sais faire. Fermer les yeux pour ne pas mettre des innocents sous les barreaux toutes les cinq minutes pour faire plaisir aux Bringers, je sais faire. Innocenter un ami dans une affaire de meurtre, je ne sais pas.
– Est-ce que tu as cherché le mobile ?
– Évidemment ! A part lui, je ne vois personne qui pouvait en vouloir autant aux Bringers.
Maddie réfléchit :
– Et lui, qui lui en veut à ce point ?
– Ce n'est pas lui qui est visé, Lily !
– Il risque une injection létale... S'il n'est pas visé, ça y ressemble, non ?
Donald Mac Felton se leva, tout excité :
– Bien sûr ! Merci mademoiselle Felton, dit-il en déposant un baiser rapide sur son front. Vous êtes géniale !
***
– Quoi ?!!!
Comme chaque semaine, Maddie honorait son rendez-vous téléphonique avec Harry, debout face à un étrange appareil à l'apparence très rétro qui avait dû recueillir les confidences de Buffalo Bill adolescent dans un bureau postal non moins antique. Ce n'était pas pour rien que des anneaux rouillés fleurissaient encore un peu partout sur les murs de bois de l'arrière-boutique, souvenirs de l'époque où on appelait encore cet endroit le "Pony Express".
La voix de son agent lui parvint, assourdie par la qualité désastreuse de la ligne :
– Une réception... une idée de la production... ça se passera à Buckbridge, dans le grand hôtel...
– Harry, le grand hôtel de Buckbridge ressemble à un foyer de l'Armée du Salut ! Quelle idée de donner une réception, là ?
– Toute l'équipe sera présente ainsi que quelques-uns de vos proches...
Maddie sentit la catastrophe arriver :
– Quels proches ? Mes parents sont restés en Europe et je n'ai aucune nouvelle d'eux depuis mon mariage. De toute manière, ils n'ont pas dû remarquer mon départ.
– La Prod n'a pas contacté tes parents...
Maddie sentit son cœur se serrer : l'hésitation de Harry la stressait au plus haut point.
– Qui ?
– Tommy.
Une douleur lancinante la traversa comme à chaque fois qu'on évoquait son amour perdu.
– Je n'irai pas.
– Tu n'as pas le choix, Maddie ! Sinon, tu seras débarquée du film !
–Tant pis !
– Tu es liée par contrat. Les dommages et intérêts seront énormes !
Maddie ferma les yeux et essaya de faire le vide dans son esprit. Elle n'aurait qu'à l'éviter toute la soirée... ou au contraire s'expliquer, encore... peut-être qu'il finirait par la croire et que tout pourrait recommencer comme avant...
Un petit sursaut d'espoir lui fit relever la tête : c'était peut-être un signe. Peut-être que toutes ces années de solitude et de regret allaient prendre fin...
***
Le jeune garçon blanc était de retour. Karshak le regardait curieusement à travers les branchages. Il n'avait pas l'air bien méchant. Et il ne portait pas d'armes maléfiques.
– Eh, tu es là ?
Karshak ne comprit rien à ce qu'il venait d'entendre. C'était quelque chose de bizarre, très différent du langage de ses ancêtres. L'inconnu avait l'air inoffensif. Karshak sortit prudemment la tête.
Le jeune garçon sourit et, comprenant que cela intimidait le jeune indien, ôta son chapeau révélant un visage ouvert et sympathique :
– Bonjour... Tu es un indien, n'est-ce pas ? C'est marrant, je ne t'imaginais pas comme ça. Moi, je suis un américain. Toi aussi, remarque, puisque tu vis ici. Mais mes ancêtres étaient irlandais. Je fais partie du clan des O'Bryan. C'est vrai ce que dit papa ? T'es vraiment un L’Ne ? Tu veux jouer avec moi ? Au ranch, c'est pas marrant, ils sont tous trop vieux pour jouer avec moi. Et à part promener des chevaux, nourrir des chevaux ou nettoyer les stalles des chevaux, on s'ennuie à mort. C'est comment chez toi ?
Sans réfléchir, Karshak était sorti de sa cachette.
– Tu joues avec moi ? répéta le jeune garçon. Touché !
Le jeune indien resta interdit puis sourit et se lança dans une folle course poursuite avec son nouvel ami.
***
– Maddie, plus lâches, les rênes...
Maddie sourit. Ça allait mieux. Sa monture appréciait de ne plus avoir un paquet de nerfs sur le dos. Il fallait reconnaître que Trévor la mettait bien plus à l'aise que Jack. Déjà, il chevauchait près d'elle.
– Je n'ai jamais vu Jack monter un cheval depuis que je suis arrivé. Il ne sait pas monter ou quoi ?
Trévor haussa les épaules :
– Le frangin est né assis sur un cheval. Ça me fait mal de le reconnaître mais il est bien meilleur cavalier que nous. Mais il a une manière très personnelle de procéder...
– En tout cas, je préfère chevaucher en ta compagnie. C'est bien plus agréable. Comment s'appelle ton cheval ?
– Clair de Lune. Il n'est plus tout jeune mais je n'en changerais pour rien au monde. Tu aimes les chevaux ?
Maddie haussa les épaules :
– Pas vraiment. Quand j'étais petite, mes parents s'étaient mis en tête que je devais devenir une cavalière émérite. J'ai suivi trois heures de cours par jour pendant près de quatre ans. Mais j'étais réfractaire. Déjà, j'avais une peur bleue de ces grosses bestioles. Et je détestais ces leçons... presqu'aussi désagréables qu'avec ton frangin.
Trévor soupira :
– Je pense qu'un de ces jours, tu vas finir par succomber, toi aussi.
– Comment ça ? s'indigna Maddie.
– Tu ne le connais pas. Tout ce que tu lui reproches, ce n'est pas lui. Alors, un de ces jours, il aura la préférence.
– Qu'est-ce que tu racontes ? Ce n'est pas un concours entre toi et lui que je sache !
– Entre Jack et moi, tout vire au concours, déclara sombrement Trévor. Et il gagne à tous les coups.
***
– Vous êtes prête ?
Jack sortait de la salle de bain du grand hôtel et achevait de nouer sa cravate. Maddie se demanda comment la transformation d'un cow-boy hirsute en un gentleman stylé pouvait être aussi rapide.
Il lui avait fallu plus de deux heures pour ôter le sable du désert de son épiderme et de sa chevelure et parvenir à coiffer sa tignasse enchevêtrée.
Celle de son partenaire ne valait guère mieux en temps normal : embroussaillée et poussiéreuse... Jack, au quotidien, ne faisait pas le moindre effort pour être présentable. Se raser tous les matins paraissait être son unique concession.
– De toute évidence, dans le cadre professionnel, il sait se rendre impeccable, songea Maddie en s'attardant malgré elle sur sa silhouette fine et musclée mise en valeur par un costume faussement décontracté, sa coiffure irréprochable et sa dentition parfaite. Le bellâtre hollywoodien dans toute sa splendeur !
Maddie attacha son collier d'émeraude gentiment prêté par les bijouteries Diamond's et se dirigea vers la porte. Elle inspira profondément : elle ne craignait pas le regard des journalistes : elle se savait ravissante dans sa robe fourreau de velours.
Derrière ces portes se tenaient une centaine de personnes totalement dénuées d'intérêt... Et la seule personne qui autrefois l'aidait à se sentir à l'aise parmi cette foule d’inconnus était précisément aujourd'hui celle qu'elle craignait le plus.
Elle jeta un coup d’œil rapide vers Jack et fut frappée par son expression : il paraissait tendu comme une corde de violon...
– La cohorte de vos ex attend derrière cette porte de s'écharper afin d'obtenir vos faveurs ? demanda-t-elle, ironique.
L'expression de Jack se durcit :
– Finissons-en, murmura-t-il.
Il ouvrit les portes d'un geste décidé. Les flashes crépitèrent immortalisant le sourire rayonnant de Jack O'Bryan pour la postérité.
***
Maddie avait l'impression de vivre un cauchemar. Tommy était là. Au bras d'une très jolie femme qu'il tenait par la taille. Il avait l'air très à l'aise et plaisantait avec une ravissante créature brune apparemment très sûre d'elle.
Elle hésita à accepter un verre de champagne afin de détourner ses pensées du couple qui prenait un malin plaisir à rester en permanence dans son champ de vision.
– Excellente idée ! songea-t-elle. Déjà que tu dis tout haut ce que tu penses en temps normal... Ivre, tu es sûre de te couvrir au mieux de ridicule.
Elle avisa Jack qui conversait en souriant avec une charmante bimbo peu farouche. Rien de surprenant de ce côté-là.
– Maddie, permets-moi de te présenter le maire...
Son agent se tenait près d'un cinquantenaire roux et ventripotent qui serra la main de Maddie à la briser.
– Très heureux. Ma femme a vu tous vos films ! Moi aussi, d'ailleurs... Je serais ravi de vous recevoir à la maison un de ces jours... Je sais combien le ranch des O'Bryan peut être rudimentaire... Ils n'ont même pas l'eau courante et je me suis laissé dire qu'ils faisaient encore leur toilette dans le lac voisin...
Maddie nota la lueur de curiosité de l'homme qui prêchait le faux pour savoir le vrai.
– Vous ne l'avez donc jamais visité ?
– N'entrent chez les O'Bryan que les invités des O'Bryan, ma chère. Et des invités, il n'y en a pas eu légion... Le dernier étranger à avoir visité ce ranch a dû être Wyatt Earp !
– Je vous prie de croire que l'endroit est tout-à-fait confortable, répondit Maddie avec un sourire. Et pour se plonger dans l'atmosphère de l'Ouest, je ne pense pas qu'il existe de meilleur endroit !
– Pour sûr, sourit le rubicond bonhomme, là-bas, c'est l'Ouest. Le Very Very Wild Wild West ! Et cela reste dangereux... Vous savez, un endroit aussi isolé peut attirer les bandits... En cas d'attaque, il est quasi impossible de retrouver les coupables... Un ranch de ce genre a été attaqué l'année dernière... Nous avons renforcé les rondes mais lorsque la propriété est aussi enclavée que l'est Oaks Creek... Et nous n'avons qu'un shérif... Outre le fait que, comme je vous l'ai dit, nul n'est le bienvenu là-bas... Croyez-moi, très chère, vous devriez venir loger chez moi. Une suite possédant tout le confort moderne vous y attend.
– Je vous remercie, monsieur, répondit Maddie avec un sourire.
Elle le regarda s'éloigner avec soulagement. Elle avait beaucoup de mal à garder une attitude mondaine avec Tommy planté à moins de trois mètres de là.
Un homme d'une quarantaine d'années, une étoile épinglée sur sa chemise à carreaux, s'approchait à grand pas :
– Donald Felton. Shérif. Ravi de faire votre connaissance ! Ma fille vous adore ! Vous êtes une de ses cinquante-deux actrices préférées !
– Je suis flattée... Vous vous occupez donc de la justice à Buckbridge ?
–Je m’en occupe à Buckbridge et parfois au-delà...
Maddy fronça les sourcils :
– Parfois seulement ?
–Les terres d'Ichiwa sont très difficiles d'accès ainsi que vous l'a expliqué monsieur le maire... et les O'Bryan sont des têtes de mule. Si vous avez besoin de quoi que ce soit... Voici mon numéro...
Il lui tendit sa carte avant de disparaître rapidement dans la foule.
Maddie se sentait un peu perdue. Tommy avait l’air parfaitement à l’aise, lui, et venait vers elle, accompagné des deux femmes de tout à l'heure.
– Maddie !!!
– Bonjour, Tommy.
Son ex-mari était bronzé, frais et dispo, apparemment peu éprouvé par une séparation qui la détruisait littéralement depuis cinq ans.
– Je te présente Morgane... dit-il en montrant la femme qu'il tenait à son bras. Nous nous sommes rencontrés, il y a.… combien de temps, chérie ?
–Trois ans, répondit l’intéressée dans un sourire.
–C'est ça ! Morgane est agrégée de lettres classiques ! C'est un puits de sciences ... !
Maddie écoutait à peine, le cœur déchiré.
La somptueuse créature brune qui n'avait encore rien dit eut soudain une expression ravie :
– Jack !
L’intéressé, qui passait non loin de là, leva la tête et retint in-extrémis une expression contrariée.
Il les rejoignit et embrassa la jeune femme sur la joue avec une raideur qui n’échappa pas à Maddie :
– Bonjour Mary-Ann.
Le teint de Jack venait de passer du hâle doré au blanc farineux. Son regard était empreint de tristesse.
– Je suis contente de te croiser ! On ne se voit pas assez, tous les deux ! N'oublie pas ce que je t'ai dit : ce n'est pas parce que nous sommes divorcés que cela doit faire de nous des étrangers ! La dernière fois que je t'ai eu au téléphone... C'était quand ? il y deux jours ? et c'était encore moi qui appelais !
–En effet, dit Jack sur le ton le plus impassible qu'il pût trouver. Mon dernier virement a bien été pris en compte cette fois ?
– Oui, bien sûr ! une petite erreur de ma banque. Merci pour ton efficacité !
– De rien. Tu as l'air en forme...
– Super... J'ai commencé des séances de méditation tibétaine... Tu connais ?
– Quelqu'un m'a parlé du Tibet, il n'y a pas longtemps, répondit sobrement Jack.
– Oui... Bon, je ne m'attendais pas à ce que tu connaisses... C'est à des années lumières de tes trucs de cow-boy et d'indiens... Jack n'est content que quand il peut jouer à Bronco Billy sur un pur-sang ! Un vrai gamin ! Ça va un temps, mais il y a un moment où il faut grandir... Heureusement que j'ai croisé Pete ! C'est un producteur d'Hollywood. Il va m'offrir mon premier grand rôle... et il est… merveilleux. C'est ça qui est bien dans la vie : une histoire se termine, une autre commence !
Pour la première fois, Maddie voyait Jack comme autre chose qu'un monolithe froid, stupide et insensible. Le chagrin qu'il ressentait était perceptible malgré son apparente indifférence. Comment cette femme ne se rendait-elle pas compte qu'elle le torturait ?
Elle jeta un rapide coup d’œil vers l'actrice qui affichait un sourire éclatant empreint de méchanceté.
– Elle le fait exprès !
Tommy se tourna vers Mary-Ann, ravi :
– Vous connaissez la méditation tibétaine ! Quelle coïncidence ! Je l'ai pratiquée quand j'étais au Népal ! Je me rendais en Chine pour participer à un séminaire d'Historiens centré sur la thématique de la philosophie de Confucius mais...
Il se tourna brusquement vers Jack :
– Mais vous ne savez peut-être pas qui est Confucius...
– En effet.
– Vous ne connaissez décidément rien à l'Asie. Peut-être préférez-vous l'Afrique ?
Mary-Ann éclata de rire :
– Vous plaisantez ? Jack ne jure que par l'Amérique ! Pour lui, le reste du monde n'existe pas ! Il ne saurait même pas vous situer l'Australie !
– Non ? pas possible ! rit Tommy.
– Comme je vous le dis ! Quand on était marié, il ne lisait jamais rien ! Sorti des westerns et des films de SF, plus rien ne l’intéresse !
Jack restait digne et monolithique sous ce flot de moqueries ignominieuses.
– Maddie, elle, était intéressée par tout, poursuivit Tommy, même par les autres hommes !
L’intéressée eut l'impression qu'on venait de la poignarder en plein cœur.
– C'est faux !
– Figurez-vous que son amant la submergeait de textos pour le moins explicites !
–C'est terrible !
Jack parut sortir de sa torpeur :
– Et je suppose que vous avez eu d'autres preuves de ses infidélités que ces fameux textos !
– C'est suffisant ! La logique ne ment jamais : pourquoi un homme s'obstinerait-il pendant des mois à envoyer des messages à une femme qui le rejetterait ? Nul n'est masochiste à ce point !
– Vous avez préféré croire en la santé mentale d'un inconnu plutôt qu'en l'amour de votre propre femme ?
– Évidemment ! Le ridicule de la situation...
– Vous préférez quitter votre femme plutôt que de prendre le risque d'être ridicule ?
– Jack ? Pourquoi es-tu aussi agressif ? demanda Mary -Ann. Cela ne te concerne pas.
Tommy sourit avec un air suffisant qui indigna
Maddie :
– Laissez... On ne peut attendre de la part d'un cow-boy primaire d'autres réactions que de l'agressivité pure... C'est une réaction naturelle lorsqu'un individu manque de ressources intellectuelles, c'est sa nature reptilienne qui reprend le dessus... Le ça franchit le surmoi avec moins de difficulté car, comme le disait Freud...
– Tommy, tais-toi ! s’insurgea Maddie.
Tommy se tut, stupéfait. C'était bien la première fois que Maddie se permettait de lui couper la parole au cours d'une de ses démonstrations...
Morgane à son bras allait ouvrir la bouche mais il fut plus rapide :
– Je ne faisais que citer une évidence. Monsieur se complaît dans une ignorance crasse et de toute évidence, tu recherches la compagnie d'individus peu cultivés peut-être en réaction à l'éducation ultra-rigide que tu as reçue.
– C'est n'importe quoi !
– Non... et ton père serait très déçu de voir quel genre de fréquentations tu entretiens depuis notre divorce... L'éducation est primordiale. Enfin... Tout dépend du milieu d'où on vient : les attentes des parents varient. Mon père, qui était un grand homme, n'aurait jamais accepté que j'arrive à un âge aussi avancé en étant aussi ignorant qu'un ânon !
Maddie vit Jack se raidir mais faire un effort démesuré pour garder son calme :
– Vous avez raison. Le mien, qui n'était qu'un pauvre rancher totalement inculte se serait fichu que je sache où se trouve la Chine. En revanche, il serait mort de honte si j'avais décidé de vivre en parasite aux crochets de mon ex-femme. Vous devriez cesser de malmener votre ex parce qu'en ce qui vous concerne, c'est la poule aux œufs d'or !
Il se tourna vers Mary-Ann et lui jeta une œillade glacée :
– Tu vois que je ne connais pas que des westerns !
Il attrapa Maddie par le bras et la traîna à sa suite à toute vitesse à travers la foule, descendit les escaliers de bois sans prêter attention aux réactions des gens sur leur passage et poussa la jeune femme dans la rue déserte.
Le froid et l'obscurité de la nuit offraient un contraste frappant avec la chaleur et la lumière qu'ils venaient de quitter. Pourtant, Maddie se sentit immédiatement mieux. Elle fit quelques pas, s'appuya au mur de bois et éclata en sanglots. Jack la laissa pleurer.
Maddie finit par se calmer et par essuyer ses larmes.
– Je vous demande pardon.
– Pourquoi ?
– Pour l'attitude de Tommy à votre égard ! Il a été odieux.
– J'ai été bien entraîné ces derniers mois.
Maddie sentit une bouffée de honte lui serrer la gorge :
– Pour ça aussi.
– Pas de quoi. Maintenant je comprends pourquoi vous n’êtes qu'une petite bêcheuse arrogante. C'est déjà ça. Mais ne vous faites pas d'idées : si j'ai réagi, c'est uniquement parce que votre ex m'a tapé sur les nerfs avec ses grands airs. Ça ne change rien au fait que je vous trouve méprisante et carrément déplaisante. Alors je vous apprends à monter, on finit ce film et au revoir ! Ça vous convient ?
Maddie hocha la tête.
– Ça me convient.
***
Paddy O'Bryan regardait tristement Moïra donner du gâteau à chacun des garçons. Jack, comme toujours, était le dernier servi. Si elle avait pu ne pas le nourrir, elle l'aurait fait. C'était le vilain petit canard, celui que sa mère rejetait de toutes ses forces, l'ayant haï dès la première seconde où elle l'avait vu.
Pourtant, il ne pleurait jamais. Malgré son jeune âge, il faisait preuve d'un courage étonnant, prenant chaque brimade avec le sourire sans se départir d'une gentillesse désarmante.
Heureusement, ses frères n'appuyaient pas Moïra et s'occupaient de Jack avec amour. Surtout Trévor. Jack disparaissait tous les après-midis dans les bois et revenait parfois avec des trous dans ses pantalons ce qui lui valait des corrections monumentales par Moïra. Mais rien n'aurait pu l'empêcher d'aller au camp indien même si, il le savait, cela rendait Moïra hystérique.
Paddy se serait bien gardé de l'en empêcher. Les liens entre les O'Bryans et les L’Ne étaient forts depuis des centaines d'années. Les L’Ne avaient été là aux heures les plus noires de l'Histoire des O'Bryan et les O'Bryan, avaient toujours répondu présent quand il s'agissait de les protéger. C'était un devoir sacré et tant pis si Moïra ne pouvait pas comprendre. Pour que ce pacte vive après lui, il fallait que ses héritiers connaissent les L’Ne comme lui les connaissait. Même si cela signifiait deux heures de disputes journalières avec son épouse.
Cette dernière venait de repousser brutalement Jack qui s'avançait vers la table, faisant penser à ces chiennes qui écartent leurs petits trop faibles de la nourriture afin d'être sûre qu'ils ne survivent pas.
Heureusement que la tarte à la myrtille n'était pas essentielle à la survie d'un enfant. Paddy se promit de récupérer une part et de la donner à Jack sitôt que sa tendre moitié se serait éloignée.
Trévor fut plus rapide : profitant de ce que sa mère avait le dos tourné, il enfourna sa part dans la bouche de son petit frère en prenant soin de l'essuyer pour que sa mère ne s'aperçoive de rien. Jack lui jeta un regard reconnaissant et commença à débarrasser la table.
***
Assise comme tous les soirs dans l'écurie dont Trévor avait la charge, Maddie conversait avec ce dernier. Elle hésitait depuis un moment à lui poser la question qui lui tenait à cœur, craignant de réveiller sa jalousie. Mais sa curiosité était trop forte.
Ce soir, elle avait vu son monde basculer. Son prince charmant lui était apparu comme un minable raté empli de suffisance tandis que le paysan ignorant avait fait preuve de dignité et de courage.
De toute évidence, Jack aimait son ex-femme. Et pour être honnête, elle ne l'avait jamais vu tenter de séduire qui que ce fût. En général, il essayait plutôt de décrocher les filles accrochées à son cou.
Elle le méprisait parce qu'il était complètement inculte, ce qui la rendait aussi détestable que Tommy. Trévor avait entièrement raison : Jack O'Bryan n'était pas ce qu'elle croyait et elle se rendait compte à présent qu'elle ne le connaissait absolument pas et qu'elle n'avait fait aucun effort pour le connaître. Son intérêt, plus que superficiel, reposait, jusqu'à présent, sur la nécessité de réintégrer son précieux tournage. Point final.
Elle devait admettre qu'il y avait un mystère qui planait au-dessus de lui. Il était capable de défendre ses convictions mais pas de réagir face à la violence des Bringers. Il pouvait la mettre en boîte sans difficulté à un moment et ne pas pouvoir répondre à une question des plus simples l'instant d'après. Il pouvait faire des cascades dans un film, grimper sur un cheval au galop et avoir du mal à marcher... Rien n'était cohérent dans son comportement.
La question finit par tomber :
– Trévor... Qu'est-ce qu'il a ton frère, au juste ?
Le jeune homme cessa de peigner la crinière de Rayon de Soleil et soupira, résigné :
– Je savais bien qu'il allait finir par t’intéresser, le frangin. Ce qu'il a ? C'est le type le plus veinard de la planète.
– Ce n'était pas la question. Il n'a pas l'air d'être à sa place, ici.
– Il est trop beau pour nous ? ironisa Trévor.
– Arrête un peu... Tu sais ce que je veux dire, reprit la jeune femme. Tu ne lui parles jamais... mais tu es mort de jalousie... Alors, ça s'explique... mais les autres… il ne leur parle pas non plus. Tu m'as dit qu'avant, il n'était pas comme ça... Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi est-il devenu un...
Elle s'interrompit cherchant ses mots.
– Zombie ? avança Trévor.
– Il ne l'est pas tout le temps, tempéra Maddie. Mais souvent... alors ?
Trévor soupira :
– Jack était un type normal, avant. Enfin... physiquement normal... Pour le reste, il était déjà plutôt bizarre...
– Comment ça ?
– Il a toujours eu un caractère spécial, le frangin. Mais, à part les Bringers, tout le monde l'aimait bien. Et puis un jour, c'est arrivé. Il a eu quinze ans.
– Et alors, tout le monde a eu quinze ans !
– Les quinze ans du frangin, ça a remué pas mal de monde... A cette époque, on est couvert d'acné, on mue abominablement, on devient quelque chose qu'on n'aime pas forcément et tout ça au moment où on commence à vouloir séduire... L'horreur.
– Je veux bien te croire, sourit Maddie. Moi, je me sentais nulle et hyper moche.
– Imagine qu'il t'arrive exactement l'inverse ?
– Comment ça ?
– Pas d'acné, pas de silhouette dégingandée... Juste une perfection physique qui s'installe et s'accentue chaque jour. En moins d'un an, il est passé du garçon rigolo qu'on aime bien avoir pour copain au prince charmant avec lequel toutes les filles rêvent de sortir.
– Ce devait être super, supposa Maddie.
– Pour un autre que Jack, sans doute... mais pas pour lui. Les nanas, c'était pas son truc. Après sa métamorphose, elles le traquaient partout où il allait et il avait horreur de ça. Plus aucune fille de Buckbridge n'était disponible. Elles le suivaient toutes comme des petits chiens et il n'y a rien de plus énervant que de voir la fille de ses rêves pendue aux basques d'un autre, tu peux me croire ! Ça a duré deux ans. Et un matin, on a trouvé un mot sur la porte : “Je pars. Je vous tiendrai au courant.” Il est allé à Phoenix. Le premier soir, un agent en maraude lui a proposé de le prendre sous son aile. Le lendemain matin, il passait un casting et moins de deux semaines plus tard, il était sur le tournage du “fils de l’indien”. La suite, tu la connais : Il s'est installé à Hollywood, est tombé amoureux d'une actrice...
– La fameuse Mary-Ann, devina Maddie.
–Elle-même. Tu l'as rencontrée... ambitieuse et superficielle. Elle le menait par le bout du nez... Au bout de cinq ans, elle l'a largué.
– Pourquoi ?
– Elle ne l'aimait pas.
– Pourquoi l'épouser alors ?
– Je te l'ai dit : il avait un caractère très spécial. Mais je pense qu'il lui plaisait physiquement et il venait de percer à Hollywood. Alors, elle a dû le persuader que s'il se comportait différemment, il aurait plus de succès. Son agent a dû pousser dans le même sens. Je ne vois pas d'autre explication.
– Alors, Jack joue la comédie en permanence ? Ça doit lui demander des efforts surhumains !
– Je suppose qu'après dix ans, ça a dû devenir une seconde nature... mais c'est vrai qu'il est passé d'un excès à l'autre, alors ça nous fait bizarre. Et on n'aime pas le voir comme ça.
– Même toi ? Après tout, s'il est moins sympathique et moins aimé, tu devrais être content ?
– Ce n'est pas si simple ! J'aime mon frère ! Je n'aime pas le voir malheureux ! C'est juste que j'ai parfois l'impression qu'il attire à lui toutes les bonnes choses et ne laisse rien aux autres.
***
Trévor était seul depuis près d'une heure. Maddie avait dû rejoindre les autres à présent. Il s'allongea dans l'herbe rase du pré longeant le Corral. L'air du soir l'apaisait toujours. Le retour de Jack ravivait en lui des souvenirs qu’il croyait enfouis depuis longtemps.
– Jack?
Le jeune garçon tourna la tête et sourit.
Trévor remarqua immédiatement ses yeux rougis.
– Ne t'arrête pas à ce que dit maman. On s'en fiche. Moi, je suis là.
Jack ne répondit pas. Trévor avait l'habitude. Le petit frère ne parlait pas. Il se contentait de sourire, en général. Paddy disait qu'il s'y mettrait un jour quand il serait prêt. Pourtant, Trévor l'avait déjà entendu parler avec l'indien de la forêt. Alors pourquoi pas avec lui ?
– Tu sais quoi ? On va devenir frères de sang. Comme ça, rien ne pourra plus nous séparer.
– On est déjà frères de sang.
Trévor sursauta. C'était la première fois qu'il entendait la voix de son frère.
– Oui... Mais on n'a pas choisi d'être frères. Par contre, on peut choisir d'être amis pour la vie. Qu'est-ce que tu en penses ?
Le sourire de Jack s'élargit et il tendit son bras :
–D'accord !
Trévor regarda la marque sur son avant-bras. La croix s'était allongée avec l'âge, blanchie. Il avait vu celle de Jack. Pas étonnant qu'il refuse de tourner torse nu ! Il n'avait même pas tenté de l'atténuer. Pourtant il aurait eu les moyens... La chirurgie esthétique faisait des miracles... Mais il savait que pour Jack, cette marque était importante. Comme elle l'était pour lui.
Moïra avait crû devenir folle lorsqu'elle s'en était aperçue. Il avait reçu la correction du siècle. Mais il s'en fichait. Il aurait fait n'importe quoi pour que Jack se sente mieux. Il adorait son petit frère et il était devenu son pire ennemi. Que s'était-il passé ? A quoi bon se poser la question ? Il connaissait la réponse.
Jack était devenu une menace. Il lui enlevait tout ce qu'il avait. Il avait commencé par son père, Phillip, Lee... Même sa mère y était passée. Et maintenant, ça allait être le tour de Maddie. Il ne pouvait même pas lui en vouloir : ce n'était pas volontaire.
Trévor n'avait pas peur deJack. Il avait peur pourJack. Et le plus tristement ironique dans cette histoire, c'est qu'il ne savait pas comment le protéger de lui-même. Il l'évitait de son mieux et avait tout fait pour que Jack fasse de même mais lorsque sa jalousie atteignait son paroxysme, il se sentait prêt à faire des choses horribles... Cela tenait à un rien... des circonstances malheureuses... une occasion à un moment où ce fichu sentiment le tiendrait encore en son pouvoir... C'était déjà pour ça qu'il lui avait dit de partir, dix ans plus tôt.
Trévor ferma les yeux. Il fallait que Jack retourne à Hollywood, le plus vite possible.
***
Maddie achevait de débarrasser la table. Les hommes se levaient pour vaquer à leurs tâches nocturnes. La jeune femme jeta un coup d’œil rapide à Jack : son regard était plus vif, ses gestes plus assurés.
La jeune femme réfléchit : en y repensant, Jack était bien plus alerte en fin de matinée ou d'après-midi... De six à huit heures, elle avait droit à Zombie Jack, de huit à dix, c'était very Quiet Jack et de dix à douze, c'était Normal Jack. Puis ça recommençait. Qui alternait des changements de comportements aussi radicaux à longueur de journée ? L'illumination la surprit. C'était si simple ! Comment n'y avait-elle pas pensé ?
Maddie interpela Jack qui sortait de la salle à manger :
– Jack ?
L'interpellé se retourna, étonné. C'était bien la première fois que Maddie lui adressait la parole en public.
– Oui...
– Demain... pour la leçon d'équitation... J'ai promis à votre mère de l'aider à ranger la maison. Il faudrait la décaler.
– Vous ne pouvez pas ranger à un autre moment ?
– Parce que quelqu'un ici ose s'élever contre la voix du clan ? demanda Maddie d'une manière grandiloquente volontairement ironique.
Jack soupira :
– Quelle heure ?
– Dix heures et demie.
Une lueur de panique brilla dans le regard du jeune homme :
– Je ne peux pas à cette heure-là... Je dois nettoyer l'écurie...
Maddie jeta un coup d’œil suppliant à Trévor. Celui-ci haussa les épaules, ignorant son cœur serré.
– Je m'en charge.
– Je dois aussi faire courir Clair de lune... Ses pattes ne sont pas habituées aux sols sableux...
– Je peux le faire, proposa gentiment John.
– Mais je dois aussi ranger l'atelier...
– C'est comme si c'était fait, l'interrompit William devinant que quelque chose de positif se profilait pour son frère.
– Dix heures et demie, c'est parfait, décréta Maddie.
– Okay... soupira Jack.
***
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